À PROPOS

ORIGINES

Dans la ligne droite de l’héritage de Denis de Rougemont, le Centre a, aujourd’hui comme hier, toujours pour vocation d’animer des groupes de réflexion et de promotion des idées et valeurs européennes. Il envisage la culture européenne, commune et diverse à la fois, comme le fondement de la quête vers un nouveau fédéralisme européen. Dans cet esprit, le Centre oeuvre en faveur d’une Fédération européenne fondée sur l’autonomie et la participation des États, des régions et des communes, de même que des personnes et de leurs associations dans le cadre d’une union pluraliste et diversifiée. Sa devise, comme celle de l’Union européenne est « l’union dans la diversité ».

 

CRÉATION DU CENTRE

 

 

À la fin de la deuxième Guerre mondiale, de nombreux mouvements prônant une Union de l’Europe destinée à installer définitivement la paix sur le continent se mettent en place. Ils agissent le plus souvent en dehors des gouvernements, avec pour objectif de leur « forcer la main ». C’est dans cette mouvance qu’a lieu un événement particulièrement important: le Congrès de l’Europe qui réunit à La Haye du 7 au 10 mai 1948 environ 800 délégués d’une vingtaine de pays, surtout d’Europe occidentale (étant donné le contexte de l’époque), sous la Présidence de Winston Churchill, ancien Premier Ministre britannique. Le Congrès organise ses travaux en trois commissions : une commission politique, une commission économique, une commission culturelle. Le rapporteur de cette dernière est l’écrivain suisse Denis de Rougemont (1906-1985), réfugié aux États-Unis durant la guerre et déjà célèbre notamment pour son livre L’ Amour et l’Occident publié à Paris en 1939.

La résolution culturelle du Congrès, adoptée à l’unanimité en séance plénière le 10 mai 1948, prévoit notamment de travailler à la création d’un « centre européen de la culture ».

Voici le début de cette résolution :

Le Congrès :

 

Considérant que l’union européenne a cessé d’être une utopie pour devenir une nécessité, mais qu’elle ne peut être fondée durablement que sur une unité déjà vivante;

Considérant que cette unité profonde, au sein même de nos diversités nationales, doctrinales et religieuses, est celle d’un commun héritage de civilisation chrétienne, de valeurs spirituelles et culturelles, et d’un profond attachement aux droits fondamentaux de l’homme, notamment à la liberté de pensée et d’expression;

Considérant que les efforts pour nous unir doivent être soutenus et vivifiés par un réveil de la conscience européenne, que celle-ci doit en être informée, stimulée, et dotée de moyens d’expression;

Propose la création d’un organisme permanent qui aurait notamment pour tâche d’étudier la constitution et les attributions d’un Centre Européen de la Culture. Constitué en toute indépendance des contrôles gouvernementaux, cet organisme aurait pour mission générale de donner une voix à la conscience européenne, et pour tâches immédiates :

– de promouvoir le sentiment de la communauté européenne par le moyen d’informations et d’initiatives, dans le domaine de la presse, du livre, du film et de la radio, et aussi dans les établissements d’enseignement scolaires, universitaires et populaires;
– d’offrir un lieu de rencontre aux représentants de la culture, afin qu’ils puissent exprimer un point de vue proprement européen sur les grandes questions intéressant la vie du continent, par voie d’appels à l’opinion et aux gouvernements;
– de faciliter la coordination des recherches sur la condition de l’homme européen au XXe siècle, en particulier dans les domaines de la pédagogie, de la psychologie, de la philosophie, de la sociologie et du droit. 

En application de cette résolution s’ouvre à Genève, en février 1949, un « Bureau d’études » pour un Centre Européen de la Culture, dirigé par Denis de Rougemont assisté de Raymond Silva et de Jean-Paul de Dadelsen. Ce Bureau organise, pour le lancer, la première Conférence européenne de la Culture qui a lieu à Lausanne du 8 au 12 décembre 1949, sous la présidence de l’essayiste et ancien diplomate espagnol Salvador de Madariaga (1886-1978), et qui réunit 220 participants de 22 pays. La mission du futur Centre est précisée à cette occasion. Sa création est décidée.

Après rédaction des Statuts et constitution des organes directeurs, le Centre Européen de la Culture est officiellement inauguré le 7 octobre 1950 à  Genève. Son Président est Salvador de Madariaga, son Directeur Denis de Rougemont.

Notre programme n’est pas systématique, et il n’est pas non plus rigide. Il reste ouvert à l’événement. J’oserais dire qu’à certains égards, il est moins décisif en soi que l’existence même de ce Centre, par où j’entends que le principal, c’est qu’il y ait en Europe un lieu consacré à l’esprit, où des hommes travaillant en équipe vouent leurs efforts à l’union de l’Europe, c’est-à-dire au service d’une cause qui se confond aujourd’hui avec celle des hommes libres.

Car en fin de compte, pourquoi faut-il sauver l’Europe ? Non point pour l’opposer aux grandes nations nouvelles, non point pour élargir l’esprit nationaliste aux dimensions du continent, non par orgueil ou par satisfaction de nous-mêmes, et encore moins avec le fol espoir d’apaiser à jamais tous nos conflits, mais au contraire : pour maintenir les risques de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’homme européen, et pour sauver, en face de la terre des masses, et de la terre des machines, et des terres immenses de la fatalité, une Europe qui demeure la terre des hommes.

« Extrait du discours prononcé par Denis de Rougemont à l’inauguration du Centre », Bulletin du Centre européen de la culture, Genève, n° 1, mai 1951, p. 13.

Le Centre européen de la culture a été fondé par Denis de Rougemont à Genève le 7 octobre 1950 en application de la Résolution culturelle du Congrès de La Haye de 1948.