La mondialisation, migrations, diffusion numérique ont transformé nos sociétés actuelles qui installent désormais en leur cœur la diversité des origines, des mœurs et des cultures, mais au risque de multiplier les réactions de rejet fondées sur les peurs, l’ignorance et l’incompréhension ; de transformer ainsi les possibilités d’un enrichissement mutuel en un choc des cultures pouvant dégénérer en conflits.

Genève est un cadre particulièrement sensible à cette problématique. En raison de sa tradition pluriséculaire d’ouverture et de sa vocation internationale notamment, la ville a vu au fil des temps se rassembler sur son petit territoire nombre de populations de toutes origines et de toutes conditions sociales.

Sous la houlette de son fondateur Denis de Rougemont (1906-1985), qui a inventé l’expression de « Dialogue des cultures » en 1961 (reprise par l’UNESCO sous la forme d’un « Dialogue des civilisations »), le Centre Européen de la Culture a commencé à œuvrer dans ce domaine dès les années de la décolonisation qui nécessitait de repenser entièrement les relations entre l’Europe et le monde. Dans son esprit, le « Dialogue des cultures » entre égaux deviendrait la pierre angulaire d’une reconstruction internationale des rapports entre êtres humains sur des bases nouvelles, dans l’unité et la diversité. L’effort de compréhension mutuelle s’affichait dans cette visée comme un impératif catégorique.

Mais à l’époque, ce processus était surtout envisagé comme un dialogue à distance : par-delà les mers, les frontières et les continents. Or, aujourd’hui, les brassages de populations ont fait qu’un tel dialogue doit aussi s’opérer chez nous, dans la proximité de nos villes. Et de ce point de vue Genève, membre du réseau des Cités interculturelles promu par le Conseil de l’Europe, peut à l’évidence être un laboratoire doté de la possibilité de partage de ses expériences dans ce domaine.

Le Dialogue des Cultures, conçu par Denis de Rougemont au sein du Centre européen de la Culture doit être adapté, nous l’avons dit, aux conditions nouvelles de notre époque, celles du choc des civilisations diffusant au sein même de nos sociétés européennes. En se basant sur sa vocation d’œuvrer au service d’objectifs concrets et socialement utiles, le Centre Européen de la Culture souhaite donc ancrer à Genève, où le concept est né sous la plume de Denis de Rougemont dans les années 1950, un projet tendant à faire de la ville un pôle du Dialogue des Cultures. La vision de l’Europe que prônait notre fondateur allait de bas en haut, valorisant les expériences réalisées au niveau local et régional, sans attendre qu’un pouvoir dicte d’en haut ses priorités. Genève a donc, sur cette question d’envergure pour les années et les décennies à venir, incontestablement un rôle à jouer.

Pourquoi Genève ?

La Suisse se caractérise par la présence de groupes sociaux multiples et une diversité d’appartenances. L’Office fédéral des statistiques (OFS) y recense plus de dix communautés religieuses principales et, en plus des quatre langues nationales, une dizaine de langues largement répandues. La Suisse compte plus de 200 nationalités différentes parmi la population résidant dans le pays. Chez les détenteurs et détentrices du passeport suisse, une personne sur huit est née à l’étranger. Cette diversité constitue une richesse importante du pays, mais elle peut aussi créer des défis.

En 2020, un tiers de la population suisse se sentirait dérangée par la présence de personnes perçues comme différentes et 32% de la population se considère comme victime de discriminations du fait de leur appartenance à un groupe ethnique.

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victime de discrimination

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victime de violences psychiques

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victime de violences physiques

Que propose le Centre Européen de la Culture ?

Il est utile de préciser que la diversité culturelle recouvre trois dimensions qu’il s’agira d’intégrer au sein de notre projet :

a. La pluriculturalité, c’est-à-dire la coexistence plus ou moins pacifique sur un territoire de plusieurs communautés culturelles. Cela renvoie à la capacité des cultures à exister au sein d’une même société sans qu’elles se dissolvent dans un modèle unique ni qu’elles s’affrontent.

b. La cohésion sociale : la diversité est également sociale. La société est traversée par des tensions qui en menacent la cohésion. Comment assurer la cohésion sociale de l’ensemble des communautés culturelles ?

c. La lutte contre l’uniformisation culturelle: l’hypothèse d’une évolution vers l’uniformisation culturelle (par l’atténuation des différences entre les populations en matière de culture, de mode de vie, de valeurs, etc.) est marquée par l’affaiblissement de l’usage de nombreuses langues régionales ou “minoritaires” (c’est la terminologie du Conseil de l’Europe), l’augmentation de la diffusion culturelle des États-Unis, ou encore l’inquiétude de certaines populations quant à la sauvegarde de leurs traditions.

Le Centre Européen de la Culture propose ainsi d’encourager les interactions entre les différentes cultures et communautés culturelles présentes en Ville de Genève grâce à des initiatives participatives ayant pour but de rassembler les communautés culturelles de Genève, de leur apprendre à se connaître et à leur faire prendre conscience de la richesse que peut représenter cette diversité. La cible concerne tous les genres et tous les âges, avec toutefois une volonté d’agir plus particulièrement auprès des jeunes car ils sont une des clés de l’avenir, tout particulièrement dans ce domaine. Les méthodes d’apprentissages seront transposées de la méthode dite de La Main à la Pâte, mise au point par les Prix Nobel de physique Georges Charpak (1992) et Leon Lederman (1988), conçue en tant qu’éveil au raisonnement scientifique et à l’échange d’arguments rationnels en vue de trouver des solutions raisonnées à un problème.

Diverses demandes de fonds ont été envoyées à plusieurs institutions genevoises afin de pouvoir commencer la réalisation de ce projet. Une fondation genevoise s’est déjà engagée à soutenir financièrement le projet.

LE PROJET « SÉNAT DES RÉGIONS »

Dans le domaine des activités de recherche, les synergies entre le Centre européen de la culture et le Centre de compétences Dusan Sidjanski en études européennes (CCDSEE) sont monnaie courante, que ce soit dans le domaine du fédéralisme, du mode de vie européen, ou de la transition écologique et numérique, pour ne citer que quelques exemples.

Une recherche actuellement en cours concerne l’idée d’un Sénat européen des régions, thème qui était cher à Denis de Rougemont, et qui a été relancé à la suite du colloque Latsis des 24 et 25 octobre 2019, organisé par le CCDSEE, sur l’Union européenne et les nationalismes régionaux.

Un questionnaire a été lancé auprès de 72 régions d’Europe ayant une compétence législative autonome, pour recueillir leurs avis. Il a été relayé par la Conférence des Autorité Législatives Régionales Européennes (CALRE). Le Secrétaire général du Centre européen de la culture, François Saint-Ouen, a présenté l’état de cette recherche lors d’un colloque « Europe of Regions and Cities », organisé à Gorizia, ville frontalière entre la Slovénie et l’Italie, les 13 et 14 octobre 2022.

Un livre a été publié par le CCDSEE en octobre 2023. Outre l’analyse des résultats de l’enquête par questionnaire, il rappelle l’origine fédéraliste de la conception d’une Europe des régions et la part très importante que le Centre européen de la Culture animé par Denis de Rougemont y a pris dans les années 1960 et 1970. Il montre également quels sont les domaines de compétences des régions à pouvoir législatif, qui les mettent en position de dialoguer directement avec l’Union européenne.

Cliquer ici pour accéder au livre

ROUGEMONT 2.0 : LES ARCHIVES DE DENIS DE ROUGEMONT

Réalisé par une équipe multidisciplinaire de chercheurs du Global Studies Institute de l’Université de Genève, Rougemont 2.0 propose une édition numérique et scientifique des œuvres et manuscrits inédits de Denis de Rougemont (1906-1985), de sa correspondance et des documents (archives professionnelles, cours et séminaires, photographies, interventions radio et télédiffusées…) illustrant ses activités de militant fédéraliste et d’écrivain engagé.

La mise en ligne progressive de ces données sur un site Internet, en libre accès, s’accompagnera de la publication de travaux de recherche tirant partie des possibilité offertes par la numérisation des textes et des archives, enrichis de métadonnées. L’enjeu est d’offrir de nouvelles perspectives d’interprétation de cette œuvre, et à travers elles d’interroger à nouveaux frais l’histoire politique, littéraire et intellectuelle du XXe siècle, ainsi que les problématiques contemporaines sur l’Europe, l’éducation et l’écologie.

Rougemont 2.0 souhaite susciter l’intérêt non seulement de la communauté académique, mais aussi d’un public plus large de citoyens en Suisse et hors de Suisse. Il est inédit à l’heure actuelle pour un écrivain contemporain.

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