À PROPOS

1950 – 2000

Durant ces 50 ans, le Centre européen de la culture a déployé son activité dans de très nombreux domaines, dont nous donnons ici un bref aperçu.

L'initiative de la création du CERN

Une des premières initiatives du Centre sera de réunir à Genève, le 12 décembre 1950, des représentants d’Instituts de recherche nucléaire de six pays ainsi que des représentants de l’UNESCO, en application d’une proposition du Prix Nobel de physique Louis de Broglie. Une des résolutions adoptées lors de la Conférence de Lausanne chargeait le futur Centre de « mettre à l’étude la création d’un Institut de Science Nucléaire orienté vers les applications de la vie courante ».

Dès son établissement, la Commission de coopération scientifique du Centre Européen de la Culture, présidée par Raoul Dautry, administrateur général du Commissariat français à l’énergie atomique, se mit au travail. Le physicien Pierre Auger y joua un rôle important. La tâche était exemplaire des idées de subsidiarité et d’intégration fonctionnelle par « spillover » (pratiquée à la même époque par Jean Monnet pour créer la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier). Il s’agissait de constater que les différents pays n’avaient pas individuellement les ressources pour développer cette nouvelle source d’énergie à l’instar des États-Unis ou de l’URSS. Il fallait donc impérativement organiser la coopération et l’institutionnaliser pour rattraper le retard et éviter la fuite des cerveaux. Ces défis restent présents aujourd’hui dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la connaissance. 

La réunion du 12 décembre 1950 organisée par le Centre Européen de la Culture permit de dégager les traits de la mission du futur CERN et de dégager les critères devant guider le choix de son futur lieu d’implantation. Elle suggéra également que l’UNESCO prenne en main les premières étapes de réalisation, en réunissant notamment les gouvernements intéressés C’est ainsi que l’année suivante, en 1951, l’UNESCO soumit un projet de Laboratoire de recherches nucléaires devant être construit à Genève. Une Conférence intergouvernementale aboutit à la décision finale, le 15 février 1952, de créer le « Conseil Européen de Recherche Nucléaire » (CERN) regroupant à l’origine onze États.

Association européenne des festivals de musique

Le Centre a organisé en décembre 1951, en collaboration avec le compositeur et chef d’orchestre Igor Markevitch, une réunion avec les représentants des festivals de musique de Bayreuth, Aix-en-Provence, Pérouse, Vienne, Berlin, Lucerne, Florence, Besançon et Strasbourg.

Ils créèrent entre eux une Association domiciliée à Genève, dans les locaux du Centre, avec notamment pour but de générer des synergies et des complémentarités dans les programmations de ces festivals, afin d’éviter les répétitions et les doublons. Pour la première fois, les festivals, outils importants de promotion de la culture européenne (et non dépourvus par ailleurs de retombées économiques) parlent d’une seule voix pour réaliser, écrivit le Centre en 1952, un authentique « concert européen ».

À des réunions régulières et à un effort d’information et de promotion matérialisé par une brochure commune, se sont ajoutés des colloques de réflexion, comme en 1956 sur « Le rôle des festivals dans la vie culturelle de l’Europe ». Rebaptisée « Association Européenne des Festivals » (ce qui permit d’inclure également le théâtre ou la danse), l’association, qui s’est installée en Belgique aux débuts des années 2000 (à Bruxelles, puis à Gand) compte aujourd’hui 90 festivals de 31 pays européens et diffuse indirectement des informations sur environ 300 festivals en Europe.

L'Institut universitaire d'études européennes à Genève

Au début des années 1960, le Centre Européen de la Culture a entamé des démarches visant à la création d’un Institut d’Études Européennes dans ses locaux de la Villa Moynier (Parc Mon-Repos) à Genève. Les négociations, qui ont impliqué l’Université, les autorités cantonales chargées de l’instruction publique ainsi que l’Institut universitaire de Hautes Études Internationales, à l’époque dirigé par l’historien Jacques Freymond, ont abouti en 1963, date de la première rentrée académique du nouvel Institut, le premier de son genre en Suisse.

L’Institut était interdisciplinaire, avec trois branches formant autant d’approches différentes de l’Europe et de la construction européenne : histoire et culture (Prof. Denis de Rougemont); science politique et institutions européennes (Prof. Dusan Sidjanski); économie (Prof. Henri Schwamm). Denis de Rougemont cumulait à l’époque (et ce sera le cas jusqu’à sa retraite académique en 1977) les fonctions de Directeur de l’Institut ainsi que du Centre Européen de la Culture, ce qui marque bien les liens entre les deux institutions.

En 1992, l’Institut sera transféré à l’Université et deviendra « Institut Européen de l’Université de Genève», ce jusqu’en 2013, date à laquelle il sera remplacé – toujours au sein de l’Université de Genève  – par un « Institut d’Études Globales » au sein duquel existe un « Pôle Denis de Rougemont d’Études Européennes ».

Contribution à l'élaboration d'une constitution fédérale

En 1953, la construction européenne est à un tournant, puisqu’il s’agit à l’époque de la doter d’une communauté de défense (projet de traité CED) ainsi que d’une union politique. Le Centre apporte sa contribution en réunissant une vingtaine de personnalités qui s’appellera le Groupe des Vingt. Parmi ses membres : Salvador de Madariaga, Raymond Aron, l’essayiste et prospectiviste français Bertrand de Jouvenel, le Recteur du Collège de Bruges Henri Brugmans, le juriste français Georges Vedel, le juriste et homme politique belge Fernand Dehousse, le sociologue et homme politique belge Henri Janne, le publiciste allemand et historien du nazisme Eugen Kogon, l’organisateur du Congrès de La Haye le Polonais Jozef Retinger…

Le groupe se réunit régulièrement pendant plus d’une année et publie périodiquement le fruit de ses réflexions dans une brochure éditée par le Centre intitulée Le Courrier fédéral, dont six numéros paraîtront entre avril 1953 et mai 1954. L’activité prit fin après le refus du traité CED par le Parlement français en août 1954.

Peu de temps après, le Centre conduisit une initiative du même ordre avec cette fois-ci un groupe d’une vingtaine d’économistes originaires de sept pays, ayant pour mission de réfléchir aux moyens d’intégrer les économies européennes en créant notamment un grand Marché sans frontières. Leurs travaux seront publiés à Paris (chez Plon) dans un livre intitulé « Demain l’Europe sans frontières ? » paru en 1958, l’année même où était lancé le Marché commun entre les six pays fondateurs de l’Union Européenne que nous connaissons aujourd’hui.

Trois Bulletins du Centre témoignent également de ces activités : « L’Europe s’inscrit dans les faits » (1956), « Promesses du Marché commun » (1957), ainsi qu’une présentation sous forme de « questions-réponses » des deux traités de Rome CEE et Euratom (1958). En 1976, le Centre constitua un groupe de réflexion, baptisé « Groupe Cadmos », formé de quatorze personnes issues de plusieurs horizons et disciplines académiques afin d’effectuer un état des lieux complet de la construction européenne et de proposer un certain nombre d’orientations pour l’avenir. Le fruit de ces réflexions, dont Denis de Rougemont assuma la rédaction finale, fut publié en 1979 à Paris, chez Stock, sous le titre « Rapport sur l’état de l’Union de l’Europe ». 

Dans cette même lignée, au moment des débuts du Traité de Maastricht et dans la perspective d’un futur élargissement vers l’Europe centrale et orientale, le Centre organisa en avril 1994 les premières « Rencontres Denis de Rougemont » sur le thème « Où en est l’Europe aujourd’hui ? », dont il publiera les Actes l’année suivante.

L'Europe des régions

À partir de la deuxième moitié des années 1960, les régions vont occuper une place grandissante dans la pensée de Denis de Rougemont et dans les activités du Centre. Il s’agit de redéfinir l’approche de la Fédération européenne pour y incorporer le fait régional, qui est très important en particulier parce qu’il rapproche l’Europe du citoyen et qu’il est porteur de nouvelles formes d’engagement civique. En outre, les régions transfrontalières qui apparaissent au même moment – notamment à Bâle et à Genève – fournissent l’occasion d’expériences concrètes permettant de tirer des leçons sur les relations nouvelles qui s’établissent entre Europe et Régions.

Entre 1967 et 1975, cinq Bulletins du Centre seront consacrés entièrement au thème de l’Europe des Régions, c’est-à-dire des Régions directement conçues dans le cadre de la Fédération européenne, deux de ces Bulletins ayant plus spécialement pour sujet les régions transfrontalières (une réunion organisée à Strasbourg avec le Conseil de l’Europe en 1972 et un colloque avec l’AIEE en 1975). En 1982 est organisé au Centre un Colloque international sur « Les politiques régionales en Europe », qui sera publié en 1985 chez L.E.P. à Lausanne sous la direction de Dusan Sidjanski et de Charles Ricq, responsable des études régionales au Centre.

L'Édition et l'Europe

En 1958, le Centre initie la création d’un pool d’éditeurs appelé EDITEUROPA, reposant sur une charte par laquelle ces divers éditeurs s’engagent à publier, dans leurs langues respectives, des ouvrages sur l’Europe qui ont été identifiés par ses soins. Le Centre a en effet publié dès 1954 une Bibliographie européenne, qui connaît en 1959 une version étendue et actualisée sous le titre L’Édition et l’Europe. Elle est introduite par ces mots de Denis de Rougemont : « Il est clair qu’on ne fera pas l’Europe avec des livres, mais pourra-t-on la faire sans eux ? Car c’est en bonne partie par leur moyen qu’on l’a défaite. »

Dans le domaine des études sur la construction européenne, le Centre initie un pool d’éditeurs de droit et de sciences économiques, regroupés sous le nom d’EUROLIBRI. En 1964 est publiée une nouvelle bibliographie européenne qui recense 2000 titres d’ouvrages sur l’Europe. 150 d’entre eux, considérés comme étant des ouvrages de base, font l’objet de recensions détaillées afin de permettre aux libraires de composer plus facilement leurs vitrines lors de Semaines européennes du livre initiées par le Centre lors des grands Salons du Livre (l’initiative fut lancée au Salon de Francfort). En 1966, le Centre publie un Bilan des activités culturelles au service de l’Europe recensant l’ensemble des initiatives culturelles ayant pour objectif l’Europe entre 1949 et 1964.

Information du Grand Public et Sensibilisation des Médias

En 1952, le Centre initie la création d’un pool de six Agences de presse nationales (française, allemande, italienne, belge, suisse et luxembourgeoise) pour diffuser des nouvelles et des papiers de fond sur l’Europe. En 1956, il crée les Actualités européennes, un service de presse sur les questions européennes en trois langues, dont les dépêches sont distribuées auprès de plus d’un millier de journaux et périodiques qui y sont abonnés.

Créé en 1957, un Service de Conférences fournit des listes de conférenciers et permet l’organisation de plusieurs centaines de conférences sur l’Europe au cours des deux décennies suivantes.

Dans les années 1990, le Centre a lancé, en partenariat avec l’éditeur Actes Sud, une série de « Que Sais-je ? » sur les questions européennes, sous forme de petits livres d’environ 80 pages réunis en coffrets thématiques. La collection s’est appelée « L’Europe en bref ». Sept coffrets rassemblant en tout 27 petits livres ont paru entre 1994 et 2002.

Association des Instituts d'études européennes

Dès 1949, le Bureau d’études pour la création du Centre Européen de la Culture avait pris la responsabilité de réunir à Genève des représentants des tout premiers Instituts universitaires ayant pour mission d’étudier l’Europe et de former les futures élites européennes. Plusieurs réunions du même type eurent lieu par la suite, démontrant la nécessité de telles rencontres, et une Association des Instituts d’Études Européennes (AIEE) fut créée en 1951, son secrétariat étant assuré par le Centre Européen de la Culture. L’AIEE publia régulièrement un Annuaire relatant l’activité des divers Instituts d’Études Européennes et Centres de recherches (cours, colloques, conférences, recherches, publications, etc…), instrument d’information précieux à l’époque, ainsi qu’une première bibliographie européenne (consignant les travaux sur l’Europe) en 1954. En 1957, le rôle du secrétariat établi à Genève fut renforcé et un nouveau Secrétaire Général fut nommé, Dusan Sidjanski, qui occupa cette fonction jusqu’à la cessation des activités de l’AIEE à la fin des années 1980.

À la même époque fut organisé un colloque avec l’Association des universitaires d’Europe débouchant sur des propositions de création d’Instituts post-grade consacrés exclusivement à l’étude de l’Europe et de la construction européenne. Les contributions, qui furent publiées dans le Bulletin du Centre Européen de la Culture en 1958 sous le titre « Vers une université européenne ? », alimentèrent un type de réflexion qui devait notamment conduire à la création en 1976 de l’Institut Universitaire Européen de Florence.

L’AIEE et le Centre collaborèrent à maintes reprises, notamment en organisant des colloques en commun dont les contributions furent publiées dans le Bulletin du Centre. C’est ainsi qu’une partie significative de la réflexion qui fut conduite à partir de 1967 et 1968 sur le thème de l’Europe des Régions et de la Fédéération européenne l’a été avec l’AIEE et sa capacité à mobiliser un réseau d’universitaires de différents pays. Il en a été de même pour les études qui ont été menées  sur les régions transfrontalières et leur impact sur la construction européenne (ainsi un colloque sur « Les régions transfrontalières et l’Europe » de janvier 1975, publié dans le Bulletin l’année suivante). On mentionnera également le colloque sur les politiques régionales en Europe en 1982 qui a donné lieu à une publication sous la direction de Dusan Sidjanski et Charles Ricq.

La collaboration avec l’AIEE, de même qu’avec le Département de science politique de l’Université de Genève dirigé par le Professeur Dusan Sidjanski, s’est étendue également à la science politique appliquée à la construction européenne (Science politique et intégration européenne, 1965; Méthodes quantitatives et intégration européenne, 1970) et à l’examen des propositions fédéralistes émises au sein de la Communauté Européenne à l’occasion du rapport Tindemans (« Autour du rapport Tindemans », 1976, fruit d’un colloque de l’AIEE organisé à Athènes). L’AIEE a publié jusqu’à la fin des années 1980 un annuaire contenant la liste de ses publications et celles des Instituts membres.

La Fondation européenne de la culture

Durant l’année 1954, le Centre prit l’initiative de plusieurs réunions dont le but était d’élaborer les plans d’une Fondation permettant de financer les activités culturelles au service de l’Europe. Ainsi fut créée la Fondation Européenne de la Culture en décembre 1954 à Genève. Denis de Rougemont en fut nommé Directeur, et Raymond Silva, Secrétaire général. Parmi ses membres fondateurs figuraient Robert Schuman, père de l’intégration européenne, et Henri Brugmans, Recteur du Collège d’Europe de Bruges.

En 1957, la Fondation s’installa à Amsterdam où elle pouvait plus facilement qu’à Genève stabiliser sa situation financière grâce aux recettes de la loterie nationale. De nos jours, elle donne des subventions aux artistes et aux projets de développement et de coopération culturelle, elle coordonne un réseau d’instituts d’études et de recherches dans les domaines de l’éducation, des médias, de l’environnement et des relations culturelles. Elle exécute également des programmes pour le compte de la Commission européenne, comme cela a été notamment le cas pour le programme Erasmus à partir de 1987.

L'éducation civique européenne

Denis de Rougemont était persuadé que pour faire l’Europe, il est essentiel de former des Européens, d’authentiques citoyens européens. Or, après la deuxième Guerre mondiale, il constatait que les programmes notamment d’histoire et d’enseignement civique dispensés dans les écoles et les collèges demeuraient surtout nationaux, avec parfois des relents de nationalisme. Ils visaient ainsi à former des citoyens nationaux, pas des citoyens européens. C’est pourquoi le Centre développa dès les années 1950 plusieurs initiatives pour contrer cette tendance néfaste à la construction européenne.

En 1956 commencèrent ainsi des expériences-pilotes d’éducation européenne destinées à former les enseignants aux questions européennes et à l’histoire commune des Européens. Ces expériences se déroulèrent dans de nombreuses villes de l’ouest de l’Europe, notamment en France, en Italie et en Suisse. En termes de contenu, elles ont pu s’appuyer sur deux numéros spéciaux du Bulletin du Centre Européen de la Culture : « L’Europe s’inscrit dans les faits » (1956) qui relatait les débuts de la construction européenne (80.000 exemplaires, traduit en sept langues), et « Pour une Éducation européenne » (1957) qui expliquait la démarche.

En 1958, le Centre s’allia à l’Association Européenne des Enseignants pour rédiger un Guide européen de l’enseignant (90.000 exemplaires, disponible en quatre langues), suivi en 1960-61 d’un Guide européen de l’instruction civique.

En 1961 fut lancée une vaste Campagne d’éducation civique européenne qui devait durer jusqu’en 1974. Elle fut décidée lors d’un colloque organisé en mai 1961 au Centre, durant lequel fut constaté « l’Etat retardataire et démodé de l’instruction civique dans presque tous nos pays, mais encore la quasi-inexistence de perspectives européennes de cet enseignement ». Une enquête sur l’état de l’instruction civique dans dix-neuf pays fut réalisée l’année suivante. Puis des stages de formation européenne d’enseignants furent peu à peu organisés au cours des années qui suivirent dans la plupart de ces pays (en tout, pas moins de 32 stages furent mis sur pied), tandis que le Centre ouvrait dans ses locaux de Genàve un Centre Européen de Documentation Pédagogique.

De 1992 à 1997, cette activité a été reprise par le Centre, cette fois-ci sous forme d’Euro-Ateliers organisés sur les questions européennes dans plusieurs régions de la Suisse et avec pour participants des jeunes de 16-18 ans. Au début des années 2000, l’Institut Européen de l’Université de Genève s’inspirera des Euro-Ateliers pour lancer dès 2004 une plate-forme baptisée « Eurocitée » d’information sur l’Europe utilisant largement les ressources de l’Internet.

L'Europe Centrale et de l'Est

Le Centre a toujours considéré l’Europe dans son acception géographique la plus large. C’est ainsi que dès novembre 1955, il publiait dans son Bulletin une série de réflexions et de propositions sur « Europe-URSS: la question des échanges culturels ». Plus tard, il organisait en 1983 un colloque au château de Duino, près de Trieste, sur le thème de l’Europe centrale, publié la même année. En 1984, la revue du Centre, Cadmos, faisait paraître un épais numéro sous le titre « La culture commune des Européens et le débat Est/Ouest ». En 1988, la revue Cadmos publiait un numéro à plus d’un titre prémonitoire sur « La Yougoslavie, maillon faible de l’Europe ».

Immédiatement après la chute du Bloc de l’Est, le Centre ouvrait, avec l’aide du Canton de Genève, une antenne du Conseil de l’Europe à Varsovie – la toute première de cette organisation dans un ancien pays de l’Est – pour y diffuser de l’information sur la démocratie locale afin de favoriser la renaissance des pouvoirs locaux en Pologne. Cette initiative, qui dura de février à juillet 1990, trouva ensuite des prolongements jusqu’en 1994, grâce à l’aide de la Confédération suisse, en Hongrie, République tchèque et Slovaquie. En 1991, le Centre coéditait avec le « European Centre for Regional and Ethnic Studies » basé à Bydgoszcz en Pologne, l’ouvrage Regionalism in Europe: Traditions and New Trends (édité par Janusz Slugocki).

En novembre 1991, le Centre organisait à Vienne, en présence du vice-Chancelier autrichien Erhard Busek, un colloque sur la place de l’Europe centrale dans l’Europe en voie de réunification, dans le prolongement des initiatives qui venaient d’être lancées par François Mitterrand et Vaclav Havel. Les Actes furent publiés par le Centre en 1993, sous le titre L’Europe centrale dans une « Confédération européenne » avec des textes en français et en allemand.

Enquête sur les Intellectuels et l'Europe

Entre 1979 et 1984, une période qui correspond aux dates de la première législature du Parlement Européen élu au suffrage universel, le Centre mène, grâce à un soutien de la Fondation Veillon (Lausanne), une enquête sur la manière dont un certain nombre d’intellectuels perçoit l’Europe, sa culture, les évolutions qui la traversent, le rôle qu’ils souhaitent que les intellectuels jouent dans ce processus, les leçons qu’ils tirent de leur propre engagement. Les entretiens ont lieu à leur domicile, dans divers pays d’Europe.

Parmi les intellectuels qui ont répondu à l’enquête: le dramaturge Eugène Ionesco, les écrivains Michel Tournier et Jean d’Ormesson, le poète Stephen Spender, le critique d’art Gillo Dorfles, les essayistes Jacques Ellul et Denis de Rougemont, les philosophes Leszek Kolakowski et Georg Picht, le sociologue Edgar Morin, les historiens Philippe Ariès, Jacques Freymond, Emmanuel Le Roy Ladurie et Hugh Trevor- Roper… L’ensemble des entretiens a été publié en 1984 chez Gallimard à Paris (collection Idées) sous le titre « Les intellectuels et l’Europe ».

Réflexions sur les liens entre culture et technologie

À partir de 1956, le Centre a lancé un travail de réflexion sur les conséquences de la « révolution » cybernétique et de l’automation sur l’économie, l’emploi, les loisirs, ainsi que l’équilibre humain et social en général. Le Bulletin du CEC publiera « Automation et Cybernétique » en 1958 et « Éducation et Loisirs » en 1959. Plus tard, la réflexion s’est concentrée sur les questions de temps libre et d’emploi, avec notamment un numéro de la revue du Centre, Cadmos, consacré au thème Emploi-chômage- loisir en 1985, coordonné par Raymond Racine. Les travaux se sont poursuivis avec la constitution d’un groupe plurinational d’économistes et de sociologues qui ont publié L’Europe au-delà du chômage en 1992 aux Presses interuniversitaires de Bruxelles.

Le Dialogue des Cultures

Le « Dialogue des Cultures » est une formule de Denis de Rougemont qui a inspiré plus tard diverses organisations internationales (notamment l’UNESCO), ainsi que l’Union Européenne. En 1951, lors d’un voyage en Inde, il avait été frappé par les différences entre Orient et Occident. Il en tirera un ouvrage, publié à Paris en 1957 : L’aventure occidentale de l’Homme (Albin Michel). Sur la base de ces premières réflexions, il conçut l’idée – très novatrice à l’époque – qu’une des missions de l’Europe, qui avait colonisé les autres continents (on était en pleine période de la décolonisation), devait être de contribuer à une nouvelle forme d’organisation du Monde basée sur une compréhension entre les grands ensembles culturels de la planète.

Le Centre organisa ainsi un colloque en 1961 à Genève sur le thème du « Dialogue des Cultures ». Puis il mit sur pied en 1964 à Bâle une grande conférence internationale baptisée Europe- Monde qui réunit près de 150 participants répartis en plusieurs commissions et groupes de travail. La démarche du Centre et de Denis de Rougemont était de trouver un terrain d’entente entre représentants des différentes cultures sur l’émergence de nouveaux ensembles culturels après la décolonisation, ainsi que sur les notions de l’Homme et de la Liberté, sur la place de la religion et l’intégration des découvertes scientifiques et techniques dans les diverses cultures, enfin sur l’éducation et la formation des élites dans les différentes régions du globe.

En octobre 1990, le Centre a organisé une deuxième Conférence Europe-Monde à Lisbonne en partenariat avec l’UNESCO. Outre le dialogue interreligieux, l’accent y a été mis sur la « gouvernance de la globalité », l’environnement, les médias, ainsi que sur le phénomène nouveau des « réseaux culturels » dans sa contribution à une culture vivante.